Il y a quelques mois, le Collectif 2007 s’est constitué dans un quartier dit « difficile » de Paris. Il s’est fixé comme objectif de faire en sorte que les jeunes en difficulté s’inscrivent sur les listes électorales. Ce collectif sans statut spécifique rassemble des gens d’horizons divers, tous membres actifs à statut égal. Nadia Méhouri, aide-soignante, est membre du collectif et présidente de l’assoce2luisa qui emmène des jeunes du XIXe en province sillonner les routes à vélo à la rencontre des habitants pour faire un peu tomber les barrières entre citadins et ruraux. Entretien
En quoi votre collectif et les actions que vous menez favorisent-ils l’inscription citoyenne des jeunes dans les quartiers difficiles ?
Le Collectif 2007 permet de créer des liens de confiance et de solidarité qui sont rarement proposés aux jeunes. Cela permet à certains de découvrir la politique, l’implication citoyenne, la mixité sociale, culturelle, religieuse, qui font partie des caractéristiques du collectif. Cette démarche favorise le dialogue sur des sujets qu’ils abordent peu ou pas et avec des personnes qu’ils n’ont pas l’habitude de côtoyer. Cela leur permet de sortir de leur milieu et leur redonne confiance en leur avenir. Ils prennent conscience de l’utilité du vote pour se faire entendre.
Comment respectez-vous la neutralité politique vis-à -vis des jeunes que vous côtoyez ?
Notre neutralité commence après la droite sarkozyste et Jean-Marie Le Pen... Cela dit, nous avons le projet, lorsque tous les candidats se seront déclarés, de présenter sur notre blog tous les partis « traditionnels », de l’extrême droite à l’extrême gauche - nous citerons également les « petits candidats », mais sans doute les regroupera-t-on en expliquant un peu leur programme ou leur position sur quelques points précis. Nous cherchons à intéresser un maximum de gens à la politique, y compris ceux qui jusqu’ici s’en sentent très éloignés. Notre démarche est citoyenne, mais aussi politique puisque le point de départ de notre collectif était de faire réagir les gens sur la montée en puissance de Sarkozy et de Le Pen, et de fédérer un maximum de personnes autour de valeurs totalement opposées à celles qu’ils prônent (mixité, défense des sans-papiers, lutte contre les discriminations, etc.). Nous aimerions faire disparaître le sentiment de distance entre le monde des politiques et les préoccupations réelles des gens, retrouver un dialogue et un échange d’égal à égal. Nous avons le projet, une fois la limite d’inscription sur les listes électorales passée, d’instaurer un dialogue avec quelques candidats proches de nos valeurs et de leur faire entendre notre réalité, afin que nous puissions aller voter en fonction des réponses que nous aurons obtenues.
Comment sont perçues vos actions, d’une part par les habitants des quartiers, et d’autre part par les élus ?
Les gens du quartier sont réceptifs. Beaucoup se disent prêts à se mobiliser. Finalement, l’aspect « positif » de Sarkozy est qu’il fédère bien les gens... contre lui ! Quand on parle de notre démarche à travers le collectif, elle interpelle souvent, on sent à la fois un grand besoin de changement et une peur de l’avenir chez de nombreuses personnes. Nous avons présenté le Collectif 2007 lors d’un conseil de quartier du XIXe, ce qui a suscité des réactions chez des personnes présentes ce soir-là qui ont demandé à avoir nos coordonnées pour suivre le projet et y participer. En revanche aucun élu n’a été réactif, à l’exception d’une élue « verte » qui suit notre projet depuis le début, mais à titre personnel.
Quels sont les écueils que vous rencontrez vis-à -vis des jeunes et des partenaires institutionnels ?
Avec les partenaires institutionnels, les écueils sont inexistants puisque nous n’avons pour le moment pas de soutien de ce côté-là . Avec les jeunes, une des difficultés est qu’il faut, pour certains, les relancer fréquemment pour entretenir leur implication (ce n’est pas le cas pour tous), les accompagner dans certaines démarches (inscription sur les listes électorales en particulier), assurer une continuité dans notre action avec eux. D’autre part, le dialogue autour de certains sujets (droits des femmes, écologie, etc.) n’est pas toujours évident, les a priori sont parfois durs à faire tomber du côté des jeunes comme du côté des moins jeunes qui se rencontrent à travers le collectif. Il nous semble qu’il reste beaucoup à faire et à dire sur ce thème de l’ouverture à l’autre, de l’acceptation de sa différence, mais que la volonté de communiquer est énorme. C’est aussi ce sentiment de solidarité qui nous semble primordial pour notre projet, mais à plus grande échelle, pour la France de demain que nous espérons voir sortir de son individualisme.