RAPPEL DU CONTEXTE DE LA PRÉVENTION SPÉCIALISÉE :
La prévention spécialisée, en France, (ce qu’on appelle, en général, « les éducateurs de rue ») est un dispositif national, créé officiellement en 1972, par le biais d’un arrêté interministériel.
Depuis la première phase de la décentralisation, ce dispositif est géré, si ils l’acceptent, par les départements.
Ceux-ci prennent alors en charge les dépenses relatives à l’action, partiellement ou en totalité. Ils le font au titre de l’Aide sociale à l’Enfance.
Les principes de base de la prévention spécialisée sont définis dans le texte de l’arrêté de 1972 et dans les circulaires qui l’ont suivi.
Ils sont au nombre de 3 :
Le principe de libre adhésion : à la différence d’autres interventions socio-éducatives, l’action de prévention spécialisée s’exerce sans mandat judiciaire, sans mandat administratif. Rien n’oblige un jeune à être en contact avec des salariés de prévention spécialisée.
Le principe du respect de l’anonymat : l’arrêté de 1972 a institué ce principe pour protéger la confidentialité de ce qui s’échange entre le jeune et le salarié de prévention spécialisée. (Ce principe s’est trouvé renforcé depuis le rattachement de la prévention spécialisée aux départements : participant aux missions d’Aide Sociale à l’Enfance, les salariés de prévention spécialisée sont tenus, comme les autres acteurs de l’A.S.E, au secret professionnel.)
Le principe de la non-institutionnalisation : une action de prévention spécialisée vise un territoire géographique. Elle a pour but d’agir sur ce territoire, de façon à pouvoir s’en désengager au plus vite et aller agir ailleurs.
Le 21 Novembre dernier, l’Association Départementale Savoyarde de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence (ADSSEA) signait un Protocole d’accord, avec le Conseil Général de Savoie et les Services de la Police Nationale et de la Gendarmerie Nationale.
Ce protocole prévoit que « Lorsqu’un éducateur du service de prévention de l’ADSSEA a connaissance de faits constitutifs d’une infraction ou d’une tentative d’infraction pénale ou de situations susceptibles de représenter un danger pour un mineur ou pour son entourage, il doit en informer aussitôt le directeur de son service. Le directeur du service en avise le directeur général de l’association qui saisit le service compétent (police, gendarmerie, centre hospitalier, hôpital psychiatrique) ou en réfère au Procureur de la République. »
Il s’agit d’une attaque gravissime contre les fondements mêmes de l’action de prévention spécialisée !!
CETTE ATTAQUE N’EST PAS ISOLÉE :
Elle se situe dans le droit fil du projet de loi sur la Prévention de la Délinquance, que le gouvernement se propose de déposer très prochainement (dès Janvier 2004, d’après N. Sarkosy).
Ce projet prévoit, en effet, après avoir attribué au Maire de la commune, un rôle central dans la coordination des actions de prévention de la délinquance :
Après l’article L. 134-10 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un chapitre 5 ainsi rédigé :
« Chapitre 5 - Coordination.
Tout professionnel qui intervient au bénéfice d’une personne présentant des difficultés sociales, éducatives ou matérielles, est tenu d’en informer le maire de la commune de résidence ou la personne par lui désignée afin de le substituer.(L’autorité ayant pouvoir disciplinaire peut agir dans les conditions prévues par les règlements professionnels ou administratifs en cas de méconnaissance, par le professionnel, de cette obligation d’information. -(disposition qui s’inspire de l’art.L. 563-6 du code monétaire et financier). »
Le texte vise tous les professionnels qui interviennent « au profit d’une personne en difficulté sociale, éducative ou matérielle ».
Seront donc soumis à cette disposition, les éducateurs, les assistants sociaux, tous les acteurs salariés de l’action sociale, les médecins des services sociaux, etc.... mais il n’en reste pas là !
Il vise également les enseignants et tous les acteurs de la communauté éducative des établissements scolaires, à travers leur participation aux CESC (Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté). Les CESC sont rendus obligatoires dans chaque établissement, dans le cadre de ce projet de loi, et positionnés comme « participant à la politique de prévention de la délinquance ».
Il s’agit d’une attaque frontale, sans précédent, (et plus globale que le seul Protocole d’accord Savoyard), contre la notion de secret professionnel, et, par là, d’une attaque inqualifiable contre les libertés individuelles.
Nous voyons, dans la démarche engagée, une attaque grave contre les conditions d’exercice de nos professions et une étape supplémentaire vers une société du contrôle généralisé et de la délation instituée : une société victime de l’obsession sécuritaire.
Nous ne laisserons pas franchir ce pas supplémentaire vers l’indistinction des rôles et la délation généralisée !!!
NOUS APPELONS :
chacun à signer et à faire signer par un maximum de citoyens la pétition lancée par les salariés de l’ADSSEA de Chambéry,
chacun à participer au rassemblement national prévu le Vendredi 16 Janvier 2004, à Chambéry, à partir de 10 Heures, pour dénoncer à la fois le protocole d’accord Savoyard (dont nous exigeons l’annulation) et le projet de loi de Prévention de la Délinquance.
NOUS INVITONS les travailleurs du secteur social et l’ensemble des citoyens à participer, le Jeudi 8 Janvier 2004, à partir de 17 heures, aux débats des « 5 HEURES CONTRE LE PROJET DE LOI DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE », qui auront lieu dans les locaux de l’EES (Ecole d’éducateurs(trices) spécialisé(e)s), 22 rue Halévy à Lille.
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